« L’accès universel et équitable à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement d’ici 2030 pour les populations vulnérables » est le sixième des Objectifs de Développement Durable (ODD6). Chaque trois ans, l’eau est au centre des discussions entre acteurs du secteur, gouvernements, et membres de la société civile, dans un contexte de rareté et d’insécurité quant à l’accès à l’eau dans le monde. C’est à l’occasion du neuvième Forum Mondial de l’Eau organisé à Dakar par le Conseil Mondial de l’eau en partenariat avec le gouvernement sénégalais, qu’Abdoulaye Sene, secrétaire exécutif de ce forum, a déclaré que « l’eau va se repositionner parmi les priorités pour la sécurité dans le monde ».

Au regard de la rareté de l’eau et des difficultés d’accès à l’eau dans le monde, « la sécurité de l’eau pour la paix et le développement » est le thème interpellateur du Forum Mondial de l’Eau à l’endroit des institutions publiques. L’accès universel et équitable l’eau est mis à mal du fait de la rareté structurelle de l’eau, désormais conjuguée au réchauffement climatique et à une croissance démographique galopante. Cette réalité bat en brèche le postulat selon lequel l’eau serait une ressource illimitée également repartie à travers la planète. 

Si l’eau occupe 70 pourcent de la terre (appelée la planète bleue pour cette raison), elle est en grande partie imbuvable. Seulement un peu moins de 3 pourcent de l’eau disponible sur la terre est douce. Le trois quart de cette eau douce se trouve cependant à l’état de glace polaire et reste donc inutilisable. Le quart d’eau douce disponible doit passer par un traitement, ce qui en soi reste un défi, surtout dans les pays en voie développement.

Plus de deux milliards d’individus n’ont pas accès à une eau saine. Il n’est pas très difficile d’imaginer la nature des conséquences sanitaires résultant de cette situation. 

La détérioration des sols, l’assèchement des cours d’eau et la désertification ne sont pas pour arranger les choses. Elles contribuent à l’aggravation des conditions sociales, y compris à l’échelle internationale. 

Les réfugiés du réchauffement climatique sont de plus en plus nombreux. Les déplacements dus au réchauffement climatique sont deux fois plus importants que ceux occasionnés par les conflits armés. Et les chiffres ne feront qu’augmenter, d’après les prévisions.

Mais au-delà de l’urgence climatique et des politiques publiques recommandées pour une gestion efficace et durable de l’eau, la question de l’eau est en train de s’inviter durablement au sein des tensions politiques et géostratégiques entre les États. Elle recèle un risque important pour la paix, y compris entre pays voisins. La vice-présidente des États-Unis Kamala Harris donnait le ton des prochains conflits mondiaux en déclarant : « Pendant des années et des générations les guerres ont été menées pour le pétrole. Bientôt, les guerres seront menées pour l’accès à l’eau. » Le récent désaccord opposant l’Égypte et l’Éthiopie avec la construction du Barrage de la Renaissance sur le Nil Bleu a annoncé la couleur.

En 2015 une vive polémique avait eu lieu entre le Tchad et la RDC. Dans cette polémique, l’idée de transférer les eaux de la rivière Ubangi vers le lac Tchad qui s’assèche remarquablement avait fait couler beaucoup d’encre, avec des propos, non vérifiés ni sourcés, qui attribuaient cependant au feu président tchadien Idriss Deby des volontés de faire dévier, par la force, les eaux de la rivière Ubangi. Cette idée a refait surface en 2021 dans les écrits d’Herman Cohen : « Avec la sècheresse du Lac Tchad à cause du changement climatique, des dizaines de millions de personnes dans cinq nations sont confrontées à la famine. La communauté internationale devrait rouvrir le projet de remplissage du lac en déviant la rivière Ubangi. La perte que cela occasionnera pour le fleuve Congo sera négligeable. »

La question de l’inégale répartition de l’eau douce place les pays les mieux pourvus, dont la République Démocratique du Congo, au centre d’un enjeu économique et planétaire de premier plan. L’avancée du désert dans le monde et en Afrique menace de mettre des centaines de millions de personnes en dehors de leur habitat en raison de l’insécurité alimentaire et de l’augmentation de la pauvreté qui en sont les conséquences fâcheuses.

Une fois de plus, comme pour l’environnement, la transition écologique, le marché des matières premières ou la préservation des écosystèmes, la République Démocratique du Congo se trouve être l’objet des convoitises extérieures mais surtout un acteur potentiel dans l’agenda géostratégique autour de l’eau, ressource cruciale pour le fonctionnement de nos sociétés. 

L’accès à l’eau est un droit humain.

Le Congo concentre plus de la moitié des eaux de surface en Afrique. 

L’agriculture, les industries et la santé ne peuvent se passer de l’eau. Les pays qui en possèdent plus que d’autres ont l’opportunité de se positionner le plus rationnellement et le plus stratégiquement possible, afin d’empêcher que leurs ressources en eau ne fassent l’objet d’une main basse au profit des intérêts extérieurs, à leur détriment.

Vu la situation conflictuelle que la crise de l’eau est en train de générer dans la région et dans le monde, le leadership politique, les acteurs de la société civile et le secteur privé de la République Démocratique du Congo ont intérêt à s’approprier l’agenda de l’eau, à mettre l’accès à ce bien commun au premier plan des priorités (moins de 40 pourcent de congolais ont accès à l’eau potable), et à préserver notre réseau hydrographique de tout accaparement.

La disponibilité de l’eau douce est une aubaine pour l’industrie de l’exportation. Il est primordial de quantifier nos ressources en eau pour en assurer une utilisation et un déploiement efficaces. À nous de matérialiser notre avantage concurrentiel, de penser des stratégies de production et de partage des ressources en eau pour la région, l’Afrique, et le monde.

Travaillons à la gouvernance de l’eau.

Travaillons au marché de l’eau. 

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